Le début du mystère
Mauvaise nouvelle : je suis malade…
En effet j’ai contracté une intriga policierra (syndrome de Léone) doublée d’une autobiografibre personnalis, ce qui a contrarié mon banquier qui m’a toujours dit de laisser les sous venir.
Cependant je puis vous assurer que je me bats, page par page, pour résoudre ce mal énigmatique, aidé en cela par un ami écrivain qui revient au pays pour démêler les fils d’une sordide affaire qui s’est déroulée dans les années 1980 en plein Ribéraquoi ? Comment se fesse ?
Il y aura juste quelques jeux de mots et trois ou quatre contrepèteries invisibles sur fonds d’humour, bien entendu, puisque, comme le dit si bien un célèbre journaliste périgourdin : « Chassain le naturel, il revient au galop ! ».
En fait le Patou a plusieurs cordes à son arc et l'esquisse de ce roman, ressortie d'un de mes tiroirs secrets, m'a donné envie d'écrire autre chose.
Attention, mesdames et messieurs, ça va commencer!
AOUT 2003
Canicule
Je circulais sur la départementale reliant St Aulaye à Ribérac, sillonnant entre les champs de maïs et de tournesols, complètement cramés.
En passant à Gayet, des souvenirs d’enfance enfouis dans ma mémoire resurgissent soudainement à la vue d’une route désaffectée, d’un chemin caché dans la nature, d’un coin de prairie. Autant de lieux où nous jouions, filles et garçons mêlés, en toute insouciance, ne pensant qu’à rire et nous amuser.
Arrivé à Ribérac, je réussis à me garer sur le parking en face du café des Colonnes. Tout avait tellement changé !
La configuration des places centrales avait été totalement modifiée, l’ancienne gendarmerie en partie détruite, remplacé par l’Office du Tourisme. Seule la façade du café avait gardé ce style un peu désuet qui faisait tout son charme.
Des images se bousculèrent alors dans mon esprit : je revoyais les parties enfumées de tarots avec les copains, les rigolades incessantes, les discussions enflammées et le goût très spécial du « fameux » cocktail inventé par Alain, le barman de l’époque.
Je m’assis à la terrasse près de la haie bordant le parking, à la dernière table au fond, et commandai une Suze Pernod avec eau de Seltz.
Le serveur me regarda bizarrement car cette boisson était rarement demandée. De plus il ne connaissait pas ce client qui l’intriguait bougrement, habillé en costume blanc et sans une trace de transpiration sur le visage malgré la chaleur étouffante qui régnait depuis le début de l’après-midi.
Sa surprise fut encore plus grande quand Monsieur Gilbert, instituteur à la retraite bien connu dans la commune, et désormais expert en graphologie auprès des tribunaux, vint s’installer à côté de cet étranger.
-Je suis vraiment content de te voir, tu sais, çà fait quoi, trente ans?
-Tout juste, Monsieur Gilbert, tout juste.
-J’ai failli ne pas venir, j’ai du mal à supporter ce soleil à mon âge. Heureusement que nous nous étions mis d’accord sur un endroit précis pour ce rendez-vous, je ne suis pas sûr que je t’aurais reconnu.
-Je sais, j’ai volontairement modifié légèrement mon apparence physique au fil des années. Vous devinez aisément pourquoi?
-Tout à fait, mais ne crains-tu pas quand même que d’autres fassent le rapprochement?
-Je ne sais pas, d’autant plus que, lorsque j’ai commencé à écrire, sous un nom d’emprunt évidemment, le contrat signé avec mon éditeur spécifiait bien qu’aucune photographie significative ne devait apparaître sur la couverture de mes livres sans mon accord. Cependant j’ai entretenu quelques correspondances avec des amis de la famille. Peut-être que l’information sur mon identité aurait involontairement fuitée ?
-A ce propos je voulais te demander. Pourquoi ce pseudo Armand De Latouche ?
-C’est très simple : Latouche est le nom de jeune fille de mon épouse et Armand le prénom de mon grand-père paternel.
-Ah d’accord. Cependant, il semble bien, qu’en plus de tes vieux amis, quelqu’un d’autre te connaisse sous ton véritable patronyme, n’est-ce pas?
-Oui, et c’est bien pour cela que j’ai besoin de votre aide, comme je vous l’ai dit l’autre jour au téléphone.
Je sortis alors une enveloppe de ma poche et la tendis à Monsieur Gilbert.
Ce dernier parcourut la lettre très attentivement.
Mon cher François,
Je suis certainement l’une des rares personnes de la commune à connaître ta véritable identité…que je ne dévoilerai pas dans cette lettre, pas plus que la mienne d’ailleurs, et ce pour de simples raisons de sécurité (je ne voudrais pas que ce courrier « tombe » dans certaines mains, au cas où il ne te parvienne pas…).
Cependant saches que j’ai l’âge de Jean, avec qui j’ai partagé quelques moments de solitude mais aussi de joie et de rire, lors de notre jeunesse.
C’est d’ailleurs à propos de lui que je me permets de t’écrire.
En effet je suis en mesure aujourd’hui, grâce à la découverte récente (et fortuite) de plusieurs documents, de t’aider à prouver son innocence et de faire (enfin) éclater la vérité sur cette sordide affaire.
Je ne t’en dirai pas plus pour l’instant.
Connaissant, par la lecture de tes ouvrages, ton esprit cartésien et la méticulosité que tu mets dans tes recherches, je sais que tu m’identifieras sans tarder.
Je t’attends.
Amicalement.
Ribérac, le 10 Juin 2003
-Sauf canular grotesque, et déplacé en l’occurrence, on peut penser qu’il s’agit d’une piste sérieuse. On sent bien que cette personne te connaît mais, de la façon dont cette lettre est rédigée, on ne peut pas savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. L’écriture, quoiqu’irrégulière, relève plutôt d’une typologie bureaucratique. En plus la signature est quasiment illisible, volontairement je suppose. On dirait un I et un O, mais cela pourrait être un L et un C…Je vais étudier tout cela de près mais je ne te garantis rien.
Et tant que j’y pense, tu devrais aussi prendre contact avec Norbert Simon à Périgueux. Il a récemment créé une association d’anciens élèves des écoles de Ribérac et possède peut-être des documents ou des photos qui pourraient t’aider. Et puis il a l’âge de ton frère. On ne sait jamais. Tiens, je t’ai noté son adresse et son numéro de téléphone. On se tient au courant, tu sais comment me joindre.
Je voulais aussi te dire, si cela peut te rassurer sur la mentalité de certains ribéracois, que moi aussi je n’ai jamais cru à la culpabilité de Jean.
-Merci Monsieur Gilbert.
Il se leva difficilement de son siège, le poids de ses 80 ans se faisait encore plus sentir par ce temps. Je le regardai s’éloigner tout en me disant que, peut-être, un premier espoir venait d’apparaître…
A SUIVRE